La nébuleuse évangélique, décortiquée pour le grand public ! Par Paul Ohlott
France | Source : TopInfo Si la théologie évangélique se veut simplifiée, et accessible au plus grand nombre, les disciples qui la répandent sont paradoxalement les membres d’une nébuleuse pour le moins complexe !
C’est la raison qui a convaincu le pasteur, journaliste et écrivain Eric Denimal, de proposer un ouvrage destiné au grand public, sous la forme d’une enquête. «Faut-il avoir peur des évangéliques ?» (First Editions) paraîtra ce vendredi 10 octobre.
Eric Denimal, connu et apprécié pour avoir écrit «La Bible pour les nuls», aux mêmes éditions, se protège d’entrée, en nous confiant que «le sujet reste brûlant, et le monde évangélique un labyrinthe». Même pour un convaincu, c’est dire !
Alors, qui sont ces évangéliques, perçus généralement comme des chrétiens «bruyants, excentriques, volubiles, agités et zélés» ? L’auteur a repéré quelques signes distinctifs : ils évangélisent, implantent des églises, distribuent la Bible, défendent des positions éthiques, sont créationnistes, aiment Israël, et se livrent à un combat spirituel (contre les esprits).
Et ils ont aussi quelques défauts, qu’en interne on qualifierait de défis : le Biblicisme s’effrite, un langage parfois un peu trop guerrier, un certain nombre de pasteurs sans formation théologique sérieuse, et la mode de l’autoproclamation qui peine à être enrayée. Mais outre ces quelques particularités relevées, s’ils font peur à certains, ils en interpellent beaucoup d’autres en proposant «une nouvelle façon de croire et d’exprimer la foi», et en dépoussiérant «des liturgies entrées en léthargie».
Naissance d’une culture évangélique
La louange, la fête, et la joie sont au cœur de leurs célébrations cultuelles. Autant d’ingrédients qui attirent chaque jour de nouveaux fidèles. Et dans leurs églises, où «tout est louange», pudeurs et tabous s’évaporent, même celui du porte-monnaie. De toute évidence, «une culture évangélique est en train de naître», soutient l’auteur, mais une culture difficile à cerner, car pour ces chrétiens confessants, la foi est personnelle, et les expressions multiples.
Dans son ouvrage, Eric Denimal ne manque d’ailleurs pas de souligner leur forte croissance dans le monde entier, y compris en France. «Ils sont la branche chrétienne qui se développe le plus», explique-t-il, «tandis que les églises catholiques et les temples protestants se vident à la vitesse grand V». Selon l’annuaire évangélique, il y aurait 43 unions ou groupements d’églises, auxquels il faut ajouter 216 églises indépendantes, mais un dénombrement précis demeure délicat. Au total, on compterait désormais, en 2008, plus de 2000 églises évangéliques dans l’Hexagone. Trois fois plus qu’il y a 40 ans !
Composante majoritaire du Protestantisme
Au final, Eric Denimal se veut rassurant. Le christianisme évangélique ne doit pas faire peur, même si certains accents minoritaires peuvent être quelque peu inquiétants. D’une manière générale et depuis plusieurs années, les églises évangéliques bénéficient d’une reconnaissance de plus en plus affirmée. De «sectes», ils sont passés à «bizarres», pour devenir «intéressants», et maintenant «composante majoritaire du Protestantisme». Faut-il d’ailleurs rappeler que, Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’intérieur, avait anticipé certaines sympathies en «se rapprochant discrètement des évangéliques, se laissant même invité pour une Assemblée Générale de la Fédération Evangélique de France (FEF)» ?
Pas inquiétants donc, mais de plus en plus entreprenants et présents ! Eric Denimal perçoit cette mutation et l’explique par l’émergence d’une nouvelle génération porteuse d’une mentalité beaucoup moins communautariste. «Les jeunes générations évangéliques sont habitées par une forte volonté de changer le monde», analyse-t-il, «ce qui les pousse à s’engager dans les structures adéquates, fussent-elles politiques. Ils sont sortis de leur camp retranché, et veulent habiter une époque, s’y fondre et y travailler pour le bien de tous, et au nom de l’Evangile qui dépasse le seul domaine spirituel, et qui transforme toutes les sphères de la vie».
La mouvance charismatique en ligne de mire
Dans l’ensemble, cet ouvrage est bien amené, par une plume expérimentée, avec un langage franc et parfois dérangeant. Au point où l’on dénote quelques suspicions excessives, tel le commentaire concernant le conférencier Saïd Oujibou. L’auteur dénonce ses méthodes peu avenantes pour inviter les fidèles à la générosité dans les offrandes. Pourtant, il suffit de le rencontrer pour s’apercevoir très vite que le «prédicateur kabyle» use du second degré, et n’est pas du genre à rouler en Mercedes ou se parer d’une Rolex en or ! Il y a erreur sur la personne.
En réalité, derrière ce commentaire se cache un désamour profondément ancré envers l’aile charismatique. Eric Denimal n’a jamais été un grand fan de cette branche illuminée de l’arbre évangélique, à l’instar, du reste, de bon nombre de représentants officiels. Cité dans l’ouvrage, Alain Stamp, Chargé de communication de la Fédération Evangélique de France (FEF), déclare même ouvertement : «Sur le plan théologique, il faut oser dire que certains discours évangéliques, très charismatiques, ne sont plus du tout protestants !». Le fossé est creusé.
Quoi qu’il en soit, Eric Denimal conclu en précisant que «la foi des évangéliques n’est pas une improvisation moderne pour combler le vide spirituel du moment», mais ces derniers «vivent ce que demandaient les réformateurs, à savoir une Eglise réformée qui doit sans cesse accepter de se réformer à nouveau. Finalement, c’est le changement qui fait peur ! Et dans le langage biblique, changement se dit conversion».
Paul OHLOTT.
Denimal, Eric. - Faut-il avoir peur des évangéliques ? -. France : First Editions, 2008, 245 pages. 19,90€.